THÈSE DE DOCTORAT

Sous titre
Fragments d’un fleuve : Étude anthropologique des relations au Rio Doce à Regência, après la rupture du barrage minier du Fundão (2015), Brésil
Chercheur.e.s
Comité d'accompagnement
Lucienne Strivay (ULg)
Cristiana Losekann (Universidade Federal do Espirito Santo, Brésil)
Thèse
Fragments d’un fleuve : Étude anthropologique des relations au Rio Doce à Regência, après la rupture du barrage minier du Fundão (2015), Brésil
Sources de financement
Mandat d'assistant USL-B
Date de début
Date de fin
Partenaires
University of California Davis

Cette thèse, située au croisement de l’anthropologie et des humanités environnementales, porte sur les (re)compositions sociales et territoriales observées à l’embouchure du fleuve Rio Doce au Brésil à la suite de l’un des plus grands désastres écologiques lié aux activités minières. Le 5 novembre 2015, un barrage de rétention de résidus issus de l’extraction de minerais de fer appartenant à l’entreprise Samarco s’est effondré au Brésil, dans l’État du Minas Gerais, sous la pression de la surexploitation, provoquant l’écoulement de 50 millions de m3 de boues épaisses et orangées dans le fleuve Rio Doce et dans l'océan atlantique.

Les processus de dédommagements mis en place par l’entreprise en réponse à l’événement sont insatisfaisants pour les personnes touchées. Au-delà de la pauvreté et de l’étroitesse des calculs d’indemnisation, la réalité du terrain montre que c’est l’invisibilisation et le déni de la multiplicité de leurs rapports au fleuve et au territoire qui sont en jeu. Ainsi, mon travail de thèse propose de prendre le contre-pied des instances chargées des indemnisations en multipliant les points de vue et les savoirs sur le fleuve et en mettant en lumière les luttes locales afin de comprendre comment traduire, revendiquer les relations « autres » au fleuve comme étant légitimes dans le combat politique et juridique mené contre les entreprises responsables du désastre.

Concrètement, il s’agissait d’observer et de décrire la façon dont les personnes continuent à vivre dans l’un des lieus affectés par la catastrophe et comment la contamination (et la situation post-désastre de manière générale) a transformé les relations des habitant.e.s au fleuve et à leur lieu de vie à travers une enquête de terrain faite d’allers-retours entre 2017 et 2022 dans la petite ville côtière de Regência, située à l’embouchure du fleuve et dont la communauté vivait principalement de la pêche artisanale.

Prenant le parti d’une ethnographie spéculative, chacun des six chapitres qui composent la thèse est dédié à une entité qui est en relation avec le fleuve à Regência. Ces entités sont diverses mais partagent une caractéristique commune qui est le fait d’être difficilement saisissables, d’échapper aux catégories et aux définitions trop rapides et restreintes. Elles sont constamment en mouvement et menacent soit de prendre trop de place (la contamination, par exemple) soit de disparaître (lecaboclo d’agua, ce gardien du fleuve dont la pollution menace l’existence), en fonction des relations dans lesquelles elles sont prises.

Ainsi, la thèse montre que Regência est plongé dans une multiplicité de rapports au monde qui s’excèdent et se recoupent partiellement, ce qui se traduit par une situation d’instabilité, de fragilité, amenant à des résistances subtiles, toujours rejouées, nécessaires mais jamais garanties.